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Post-production et impression
d'un négatif noir et blanc numérisé

Alain Oguse - Septembre 2025

Sommaire

  1. Choix du papier, de l'encre, de l'imprimante
  2. Installation de QTR et des profils
  3. Se fier à son œil, plutôt qu’à des courbes
  4. Utilisation du driver QuadtoneRIP (QTR)
  5. La post-production
  6. Oh, un œil !

Avant-propos

Lors de la rédaction de l'article « Numériser un négatif noir et blanc en préservant ses textures les plus subtiles https://bw-film-scanning.oguse.fr/fr/index.html  », je suis resté focalisé sur le cœur de mon sujet. Ce n'est qu’après sa mise en ligne qu'un lecteur m’a alerté sur le fait que, une fois le fichier RAW enregistré, il n'est pas simple d'en faire le tirage rêvé. Je dois reconnaître que les quelques informations éparses que je donnais sur cette suite étaient très fragmentaires.

À vrai dire, pour moi non plus, cela n’a pas été trivial. Je le répète souvent : non, tout cela n'est pas simple et n'a d'intérêt que pour des photographies auxquelles on donne une valeur artistique ou archivistique importante.

Après bien des tâtonnements j'ai tout de même fini par obtenir ce que je voulais. Le sujet du présent article sera donc la description de la méthode que j'utilise pour imprimer un A3+, à partir d'un fichier RAW d'au moins 36 MPX, et réalisé par numérisation d'un négatif 35 mm en lumière ponctuelle. Il y a bien sûr beaucoup d'autres méthodes possibles J'ai grand plaisir à citer les travaux de
Arno Godeke dont j'ai pu admirer la grande qualité des résultats. Une approche très originale et inattendue, fondamentalement différente de la mienne :
https://forums.negativelabpro.com/t/lets-see-your-dslr-film-scanning-setup/27/354?
Son blog que je recommande : https://www.arnogodeke.com/Blog
. Je donnerais les arguments qui ont guidé mes choix. J'espère ainsi aider d'aucuns à gagner un peu de temps.

Choix du papier, de l'encre, de l'imprimante

Je ne tenterais pas de faire croire que tous mes choix n'ont été que techniques et rationnels. Une bonne part découle de ma découverte du site de Paul Roark ttps://www.paulroark.com/BW-Info/  dont je recommande la lecture à tous ceux qui s’intéressent aux impressions noir et blanc de qualité. Voici les points de sa proposition qui répondent à mes attentes :

Choix de l'encre

Les encres 100 % carbone ont un inconvénient : elles donnent un ton chaud plus ou moins marqué selon le papier et selon la finesse de la poudre de carbone utilisée… La formule « Glossy Carbon Variable Tone » de Paul Roark apporte une réponse astucieuse. Elle ajoute un « toner » pigmentaire bleu clair, qui n'est pas constitué de carbone, mais dont le rôle est de « refroidir » à la demande le rendu. Ce toner sera certes moins stable que les autres encres mais, correctement choisi Les pigments bleu et cyan Canon Lucia. Des tests indépendants indiquent que ces pigments couleur sont les plus résistants à la lumière parmi ceux qui sont disponibles. , il durera aisément une centaine d'années. Par la suite la tonalité générale se réchauffera progressivement, l'essentiel de l'image restant inchangé. Comme un léger effet « photo ancienne » de bon aloi ?

C'est une bonne idée de tenter d'assurer son indépendance par rapport au fabricant de son imprimante. Pour autant il ne faut pas se mettre dans une situation encore plus fragile. C'est le pari le plus incertain de cette formule. Chacun doit en être bien conscient avant de s'y lancer. Mais, depuis 10 ans, j'ai connu bien des imprimantes arrivées en fin de vie alors que les encres et les cartouches dont j'ai besoin sont toujours restées disponibles.

Il faut peu d'outils pour les mélanges, lesquels peuvent être réalisés indifféremment selon les volumes ou selon le poids. J'utilise une petite balance de précision que l'on trouve facilement pour 10 ou 20 €. Certains utilisent une grosse seringue ou une grosse pipette.

Comment remplir ces cartouches ? Voici un tuto et une excellente vidéo https://www.inksupply.com/instructions/instructions_epson_ar_1400_r260_r1900.pdf
https://www.youtube.com/watch?v=D7JUXYFIwf0
.

Choix de l'imprimante

Les formules Liste de tous les kits d'encre pour imprimantes. Cette liste comprend des kits d'encre relativement récents. Elle inclut également des kits d'encre plus anciens qui peuvent n'être plus recommandés aujourd'hui. https://www.paulroark.com/BW-Info/Inkset-list.html de Paul Roark sont conçues pour des imprimantes Epson à jet d'encre. La plus récente, « Glossy Carbon Variable Tone », est celle qu'il présente comme sa meilleure recommandation. Elle est proposée sous forme d'un PDF qui donne tous les informations nécessaires, et même plus. Elle est accompagnée des profils utilisables https://paulroark.com/BW-Info/GlossyCarbon-Profiles.zip avec le driver Epson de l'imprimante, ou mieux avec le logiciel Shareware QuadToneRip https://www.quadtonerip.com/html/QTRoverview.html (50 USD).

La formule « Glossy Carbon Variable Tone » existe pour les imprimantes suivantes :

Il m'a semblé prudent de m'en tenir à son conseil selon lequel «La meilleure imprimante pour débuter est peut-être l'Epson 1500W (1430 aux États-Unis) ». C'était un choix judicieux puisque mon objectif initial était d'obtenir des « prints » pour une exposition en format A3+, et c'est précisément le format maxi de cette imprimante.

Bien qu'ancienne, il est toujours possible (Été 2025) de la trouver d'occasion entre 20 et 100 €. Ne vous laissez pas berner par les offres à 400, 500, 1000 €. Le risque n'est pas nul de tomber sur une machine en panne ou bloquée. Raison de plus pour rester sur des prix raisonnables. Si cela arrive, il existe des solutions qui, si vous êtes un peu bricoleur, vous permettront peut-être de tourner la situation à votre avantage :

Une fois remise en état de fonctionner, la 1500W est parfaite pour débuter et incroyablement fiable. Elle a tout de même quelques défauts :

Choix du papier

L'élément le moins durable d'une impression carbone est le papier. Il faut donc le choisir avec soin : mat, brillant ou satiné, mais sans azurant optique, sans acide et tamponné, par exemple du papier coton baryté.

Pour ses travaux personnels Paul Roark utilise du Red River Ultra Pro Satin. Il a très souvent par le passé préconisé du mat.

Pour débuter je conseille de choisir un papier pour lequel il existe un profil dans la liste proposée par Paul Roark https://paulroark.com/BW-Info/GlossyCarbon-Profiles.zip .

Installation de QTR et des profils

Votre première mission sera de vous assurer de la compatibilité de QTR avec votre imprimante Epson. Sur son site QuatoneRip annonce fièrement « Maintenant disponible pour P600, P800, P5000, P6000, P7000, P8000, P9000 P700, P900 ». De son côté, Paul Roark a semblé confiant sur la compatibilité de ses dernières formules avec les imprimantes Epson à venir. Pour les modèles les plus récents je recommande de vérifier où on en est sur le forum QuadToneRIP https://groups.io/g/QuadToneRIP .

Vous trouverez les documentations « officielles » de QTR ici https://www.quadtonerip.com/html/QTRdownload.html (en anglais).

Installation sous Windows

L'installation est classique et simple. Je m'en tiendrai donc aux quelques points délicats ou aux informations difficiles à dénicher.

Se fier à son œil, plutôt qu’à des courbes

Le driver QTR n'est pas obligatoire. Celui qui est fourni par Epson peut être utilisé, mais sous Windows il offre, parait-il, moins de possibilités. C'est pourquoi je ne l'ai même pas essayé : je ne pourrais donc rien en dire. J'ai attaqué directement QuadtoneRIP. « Attaqué » est le bon terme, car derrière ses innombrables fonctionnalités se cache une utilisation pas toujours triviale. En revanche, il est assez simple, pour commencer, de se contenter d'installer l'application puis d'utiliser les profils fournis. Si les résultats vous encouragent à poursuivre, vous pourrez ultérieurement envisager la « haute école » de la création de vos propres profils.

Pour ma part, après avoir passé de longs mois à créer et à tester mes propres profils, j’ai dû me rendre à l’évidence : quelle qu’en soit la cause — difficulté de traduction, spectrophotomètre trop basique, mauvaise compréhension de ma part — je n’obtenais ni la qualité des résultats attendue, ni des effets réellement adaptées aux caractéristiques particulières de certaines images.

Un jour, de guerre lasse, j’ai essayé quelques-uns des profils proposés par Paul Roark, sans n'y rien changer. J'ai été très surpris de découvrir une combinaison de deux d’entre eux Epson-Platine-Neutral-T3 et HPR-Baryta-carbon qui m’a donné les meilleurs résultats que j’aie jamais obtenus. Et comme certaines valeurs me semblaient encore perfectibles, plutôt que de me lancer dans une énième relinéarisation, j’ai juste modifié rapidement ma post-production dans le sens de ce que je souhaitais même si, à l'écran cela donnait bien sûr un résultat « décalé  ». La facilité avec laquelle j’ai alors obtenu ce que je voulais a provoqué une prise de conscience, évidemment influencée par les anciennes pratiques en argentiques de notre groupe né des stages de Jean-Pierre Sudre à la fin des années 1960.

À l’époque, pour chaque tirage, nous utilisions toujours la même démarche : une, parfois deux bandes d’essai pour déterminer le grade du papier (plus ou moins contrasté) et le temps de pose (à la seconde près grâce à un métronome allumé en permanence dans le labo). Puis venaient les tentatives d’« harmonisation Plus connue aujourd'hui sous le terme anglais de « dodge and burn »  ». Une image « facile » nécessitait deux à trois feuilles, mais il arrivait de devoir en consommer sept ou huit. Après une journée de travail acharné, nous étions heureux si nous avions réussi à tirer six bonnes épreuves. Je parle ici, bien sûr, d'images qui avaient pour nous valeur de « photographie créative ».

C'est donc doté de ce bagage que j'ai commencé à me confronter à l’impression jet d’encre. Il m'était rapidement apparu que toute tentative d'« épreuvage écran » (soft proofing) ne me donnait, dans le meilleur cas, qu'une banale « épreuve de lecture », et ne me permettait pas de doser les subtiles nuances auxquelles je tenais tant. L'explication me semble évidente : les contextes d'utilisation, dans « la vraie vie », d'une part d’un écran, fut-il étalonné, et d'autre part d’un papier plus ou moins brillant, n'ont rien de commun. Ils sont comme appartenant à deux univers inconciliables. Nous avons tous pu ressentir ou observer chez autrui cet cet effet de surprise à l'instant de la découverte d'une impression. Ce moment magique est l'occasion de prendre du recul par rapport à l'écran, de remettre en selle notre sens critique, notre culture de l’image et d'apprécier ce qu'il y a d'irremplaçable dans ce que nous procure une belle épreuve photographique.

C'est toute cette expérience engrangée qui m'a mené à la prise de conscience évoquée ci-dessus. Elle m'a permis d'oser enfin une conclusion iconoclaste : comme en argentique, il est vain de tenter de se dispenser des innombrables essais, certes laborieux, mais si fructueux. Plutôt que de passer des semaines à peaufiner des profils, qui de toute façon sont supposés être refaits après quelque temps pour les adapter à je ne sais quelle variation du papier, des encres, de l'usage de l'imprimante, de l'air du temps, etc., il vaut mieux appliquer directement la démarche de nos essais d'antan en tirage en argentique. Comme autrefois il faut s'en remettre aux questionnements, aux conversations, aux décisions devant les tirages encore humides : plus de contraste, les tons moyens un peu plus denses, ce visage un peu plus clair, de l'éclat « Un petit coup de ferricyanure de potassium ! » dans cette ombre… C'est ainsi qu'un photographe est le plus à l'aise. Il n'a pas besoin de tout l’attirail, qui reste bien sûr indispensable pour un industriel de l'image. Son œil sait lui faire comprendre ce qu'il doit corriger et il l'applique plus intuitivement dans son logiciel de post-traitement photo que dans n'importe quel éditeur de profil. De plus, de cette façon il accroît progressivement les repères et la culture qui lui faciliteront ses choix pour ses futurs travaux. Enfin, il serait dommage de ne pas profiter de l'avantage que donne le jet d’encre grâce auquel on peut faire la plupart des essais en format de petite taille, et ainsi économiser encre et papier — ce qui était impossible en argentique.

Ainsi, au lieu du long, et fort peu créatif, travail d'élaboration des courbes supposées lui permettre de traiter des centaines d'images, il continuera à enrichir son approche photographique pour les quelques dizaines d’images qu'il fignolera avec plaisir. Chacun doit pallier ses limites en prenant appui sur ses points forts.

D’ailleurs, d’ailleurs… j’aime constater que nombre de photographes — moi y compris — s’étonnent qu’à chaque reprise d’une ancienne post-production ils aboutissent à une interprétation nouvelle, parfois radicalement différente. C’est bien le signe qu’il se joue alors quelque chose de singulier. J’y vois, pour ma part, l’empreinte malicieuse des savoir-faire acquis entre-temps.

Utilisation du driver QuadtoneRIP https://www.quadtonerip.com/html/QTRoverview.html (QTR)

Les profils

J'ai la conviction que je ne maîtrise toujours pas la partie la plus technique de la création des profils et je n'ai pas (encore ?) compris pourquoi mes nombreuses tentatives m'ont laissé sur l'impression d'un échec. Je ne tenterai donc pas d'expliquer comment faire. Ce serait une imposture de ma part.

Paul Roark indique http://www.paulroark.com/BW-Info/Eb1400.pdf que la plupart du temps, si on utilise un de ses profils, il suffit de refaire la limite d'encrage et la linéarisation. Plus simple a priori. Oserai-je avouer que cela ne m'a pas donné plus de réussites, ce dont je ne suis pas fier ?

Comme je le mentionnais ci-dessus, c'est un peu par hasard que j'ai découvert une combinaison de deux profils qui donne enfin tout ce que j'espérais : des noirs solides mais pas bouchés, des valeurs bien étagées et en prime la satisfaction de pouvoir choisir la tonalité globale de l'impression (neutre, plus ou moins sépia ou bleue...). Ces deux profils sont Epson-Platine-Neutral-T3 (neutre) et HPR-Baryta-carbon (chaud). Ils font partie d'un pack supplémentaire fournis par Roark https://www.paulroark.com/BW-Info/GlossyCarbon-Profiles.zip .

Courbe profil T3
Cette étrange courbe du profil Epson-Platine-Neutral-T3 me fait des nœuds au cerveau. Comment et pourquoi est-ce elle qui me donne les meilleurs résultats ? Sûr, je n'ai pas encore tout compris.


Cette possibilité de répartir le pourcentage d'apport de plusieurs profils, jusqu'à trois, tout en le faisant varier selon les hautes lumières, les tons moyens ou les ombres, est une merveille de QTR que j'ai longtemps ignorée, malheureusement.

Répaetition des profils
Dans l'interface de QTR, les deux profils que j'utilise avec une répartition 65/35 pour obtenir un ton à peine sépia


Fichiers image « supportés » par QTR

TIFF, 8 bits, non compressé, etc.

QTR accepte le TIFF et le JPG, accompagnés de quelques autres paramètres plus ou moins utiles pour nous et auxquels je préfère ne pas avoir recours de façon délibérément restrictive. Ceci afin d’éviter que QTR ne modifie les fichiers à la volée avant impression, et afin de me prémunir de lourdeurs inutiles.

Voici en caractères gras les paramètres auxquels je me tiens pour les fichiers que je destine à QTR :

- Fichier TIFF - Format « normal » (JPG Cette info est bien cachée, mais elle a été publiée par le développeur :
https://groups.io/g/QuadToneRIP/message/8377?p=%2C%2C%2C20%2C0%2C0%2C0%3A%3Arecentpostdate%2Fsticky%2C%2Cjpg+windows%2C20%2C2%2C0%2C38415694
admis avec ses artéfacts ajoutés)
- 8 bits (16 et 32 bits admis en provoquent un ré-échantillonnage)
- "Couleur RVB" (Niveaux de gris serait mieux mais DK laisse le tag RVB)
- Non compressé (Compression LZW admise, qqes plantages sous Windows)
- Monocanal (Canal Alpha et calques admis,  risque d'altération du bitmap)
- Dimensions finales - (Redimensionner provoque le ré-échantillonnage Sur ce point, qui fait consensus pour la plupart des logiciels, j'ai pourtant un doute pour QTR. Roy Arrington, le développeur de QTR, affirme qu'il n'a jamais constaté, même à la loupe, la moindre différence avec ou sans ré-échantillonnage. Dont acte ! Pour moi, c'est un test qui reste sur ma « ToDo ». Si vous avez des informations sur ce sujet, je suis preneur. )
- Profil sRVB (Pour éviter le manque de cohérence avec le tag RVB (ci-dessus) qui provoque une notification dans Gimp. Le développeur de QTR affirme que cela ne déclenche pas de  ré-échantillonnage)

Malgré toutes ces indications vous constaterez que vos TIFF, bien qu'ils s'ouvrent sans problème dans Gimp, moins contrastés dans les valeurs moyennes et semblent plus nets, comme si l'export ne prenait pas en compte le module Diffusion ou netteté utilisé par exemple pour atténuer la présence du grain. Il y a sans doute une solution à ce problème, mais je ne l'ai pas trouvée.

Je confirme ainsi mon intention, déjà évoquée plus haut, de confier au seul photographe — face à son logiciel de post-traitement — tous les choix techniques ou surtout esthétiques concernant sa photographie. Par ailleurs, dans cette démarche, chaque fichier confié à QTR est préparé, optimisé, pour une impression particulière. Du fait de ce caractère unique il n’y a aucun intérêt à s'encombrer de propriétés, qui pourraient certes avoir leur utilité ailleurs, mais qui en l’occurrence serviraient surtout à risquer une altération de l'image finale.

Le photographe créé, QTR imprime. Et c'est tout ;-)

L'imbroglio des résolutions : c'est un peu difficile…

Tout d'abord une précision pour les débutants, en espérant qu'elle leur évitera bien des contre-sens : la résolution exprimée en DPI ou en PPI, ce n'est pas la même chose En français on a pris la mauvaise habitude de parler de DPP et de PPP. A oublier ! .

Ainsi nos photographies exportées par Darktable avec une résolution de 300 PPI sont imprimées par QTR avec une résolution de 2880 DPI.
Oui, d'accord, ça fait bizarre ;-)

Utilisation de l’interface de QTR

A priori cela devrait être simple puisque tout ce qui est nécessaire pour une impression « de base » est regroupé par QTR dans une seule fenêtre. Mais ce serait trop simple ! Un nouveau problème survient...

C'est pernicieux, car à peine visible à l’œil nu, mais un c'est un véritable piège.

« Des algorithmes Epson exclusifs et secrets sont nécessaires pour imprimer sur les premiers et derniers pouces de la page. Ils contrôlent le maintien et l'avancement de la page pendant l'impression lorsqu'elle n'est pas maintenue par les deux rouleaux, c'est-à-dire au début et à la fin de l'impression. Pour les imprimantes Pro (3880 et supérieures), ce code est intégré au micrologiciel de l'imprimante, de sorte que tout logiciel qui la pilote y a automatiquement accès. En revanche, pour les imprimantes Stylus Photo plus petites, le code est intégré au pilote, de sorte que seuls les logiciels qui impriment via le pilote Epson peuvent y accéder. Ceci n'inclut pas QTR. D'où l'apparition de micro-bandes sur les premier et dernier pouces. » Source CyberHalides https://www.cyberhalides.com/piezography-printing/microbanding-and-gloss-printing-issues-with-qtr/

Sur la 1500W je constate en effet ce défaut. Ces micro-bandes ne sautent pas aux yeux. Pour les voir la première fois, n'hésitez pas à utiliser une loupe. Ensuite, une fois bien identifiées, elles ne pourront plus vous échapper.

L'astucieuse solution proposée par CyberHalides, déjà signalée plus haut à propos des « roulettes à pizza », consiste à ajouter un talon d’entraînement en papier, sur le bord d'entrée de la feuille dans l'imprimante, fixé avec un ruban de masquage à faible adhérence https://www.amazon.fr/dp/B005DRE49S/?ref_=cm_wl_huc_item .

Répaetition des profils
Microbanding bien visible en haut, surtout à gauche. ≈ X3
Source CyberHalides https://www.cyberhalides.com


Il faut pour cela définir dans QTR des dimensions de page personnalisées et positionner l'image avec soin. Voyons en détail comment le faire, car l'interface de QTR n'est pas prévue pour rendre facile un tel subterfuge.

Poursuivons en ajoutant une contrainte supplémentaire. Notre impression A3+ étant destinée à une exposition, elle devra être mise en valeur par un passe-partout classique de 30 x 45 cm :

Voici la méthode que je propose pour mettre notre projet en œuvre dans QTR. La partie la plus délicate se joue ensuite dans la partie « Placement ».

Répaetition des profils
La feuille A3+ en bleu. En blanc l'image imprimée, en gris le talon de 65 mm. Le passe-partout n'est pas indiqué.

Voici la méthode que je propose pour mettre notre projet en œuvre dans QTR.

La partie la plus délicate se joue ensuite dans la partie « Placement ».
Voir les deux copies d'écran ci-dessous.

  1. On commence par faire semblant de ne tenir aucun compte du talon à venir. Voici dans la figure ci-dessous un exemple des informations à fournir pour imprimer sur un simple A3+ au format 46,5 x 31 cm calculé précédemment. Cette première étape a pour seul but de visualiser, à une échelle de 100% et centré, quelles seront les marges en longueur. Ici on note 9,1mm.
  2. Puis on corrige la longueur du A3+ pour y mettre une valeur augmentée des 65 mm du talon d’entraînement, soit 613 mm.
  3. Enfin on décoche le centrage et on reporte en marge gauche la valeur de 9,1 mm notée ci-dessus. Le résultat est immédiatement adapté dans le cadre rouge de l'illustration et apparaît la marge libérée pour le talon.

Cette démarche pourra être adaptée à votre format.

Répaetition des profils
Insérer un talon d'avancement : étape 1, calculer les marges

Répaetition des profils
Insérer un talon : étape 2 et 3, décentrer pour placer le talon

La post-production

Le choix du logiciel de post-traitement RAW est libre, évidemment. Pour ma part j'ai abandonné Lightroom parce qu'Adobe ne dit pas clairement ce que font le dématriçage et les curseurs. Et un peu aussi (surtout ?) à cause de sa politique d'abonnement qui impose à l'utilisateur l'abandon de son autonomie.

C'est pourquoi j'utilise Darktable/Ansel. Je ne peux donc aborder avec un peu de crédibilité que des problématiques liées à cette solution Open Source.

Étalonnage et profilage écran

La « calibration » de l'écran est un sujet qui mobilise fortement sur le net. À juste titre, car c'est complexe et souvent mal compris (y compris par certains qui en parlent malgré tout). Je suis loin de maîtriser le domaine, mais il y a des notions de base que j'ai bien comprises :

De ces quelques notions je peux tirer des conclusions pour mon projet :

Éclairage de lecture

Dans les années 60 notre petite communauté utilisait, dès le bain de fixateur, un éclairage standard maison et improvisé pour évaluer nos tirages : une « Lanterne Kodak Universelle », à un mètre, avec une ampoule de 60W. Simple, efficace et commode ! Nous avions ainsi des résultats cohérents pour du N&B. Et nous faisons tous comme si cela devrait convenir à toutes les conditions d'utilisation de l'image…

Aujourd'hui la souplesse de l'impression numérique permet de prendre en compte des conditions plus variées de l'utilisation de nos images. Par exemple, dans le cas de la préparation d'une exposition, il est devenu facile, à l'aide d'une application de type « Posemètre  » sur smartphone, de régler l'intensité de notre éclairage de lecture pour simuler celui de l'expo.

Pour nos images N&B nous n'avons évidemment pas besoin d'une de ces très coûteuses « une cabine de lumière haut de gamme https://www.xrite.com/categories/light-booths/spectralight-qc  ». Néanmoins, la possibilité qu'offrent les formules de Paul Roark de moduler la tonalité plus ou moins chaude de nos impressions, rend pertinent le choix d'un éclairage au CRI élevé J'ai choisi ces excellentes ampoules, souvent utilisées par des musées, dont le spectre est régulier, la température de couleurs très proche de 5000K et dont le prix reste raisonnable : https://www.prozic.com/www2/commande_promo_ampoule_4700k_Stock%20DESC.html afin d'évaluer correctement les résultats François souhaitait des tirages N&B d'une tonalité un peu chaude, comme sur le papier argentique Agfa Rapid Record que nous utilisions autrefois. Un jour il trouve le tirage que je lui présente un peu bleu. Ca m'étonne, je vérifie et n'y trouve rien à redire. Oh si, oh non… Pour la première fois nous ne tombons pas immédiatement d'accord sur ce type de question. Par hasard sa compagne survient et s'écrit « C'est beau, mais c'est un peu bleu ». Comme je viens d'apprendre qu'elle a été opérée récemment de la cataracte, je réalise que François l'avait été également il y a quelques années et que donc notre désaccord est sans doute dû à mon œil vieillissant à son tour. Pourtant j'avais consulté mon ophtalmo peu de temps avant, lequel ne m'avait rien signalé à ce sujet. Contactée elle m'explique que oui, j'avais bien une cataracte débutante, mais si peu et qu'elle ne le signale jamais à ce stade… Photographes vieillissants, quand il s'agit de couleurs, méfiez-vous de votre œil ! J'apprends à ce sujet une anecdote intéressante. En 1947, le Rijksmuseum d'Amsterdam a fait restaurer le tableau de Rembrant nommé La Ronde de nuit. Le travail a pris plus de temps que prévu car « la restauration ne pouvait être faite qu'à la lumière du jour ». En 1947 les ampoules à haut CRI n'existaient pas encore ;-) .

Logiciel de post-traitement RAW

Pour le post-traitement des numérisations de négatifs N&B, 24 x 36mm, en LED verte, j'utilise Darktable/Ansel. Je ne vais pas traiter ici de tout ce qui concerne l'utilisation classique du logiciel. Il existe sur ce sujet de très bonnes chaînes Youtube qui sont beaucoup mieux faites que je ne saurais le faire :

En revanche je vais m'attarder sur ce qui est spécifique à ma problématique.

Conversion en N&B

Pour optimiser les bénéfices du recours à la seule lumière verte et convertir le résultat en noir et blanc :

Voici ce que m'en a dit Aurélien Pierre (et je ne saurais mieux dire) :
« Configuré de cette façon, si vous numérisez sous une lumière verte quasi-monochromatique, la netteté sera maximale car seuls les photosites verts du capteur de la caméra seront utilisés. En pratique, cela équivaut à éliminer complètement la trichromie du pipeline graphique. »

J'évoquais plus haut cette autre phrase d'Aurélien qui explique que tous les ajustements qui devraient se faire au moment de l'export ne se font pas encore dans la version 3 de Darktable. Et il semble que ce soit toujours le cas. Or, pour notre projet il s'avère que c'est un problème.

En effet, la présence de valeurs noires « clippées » déclenche lors de l'export une diminution du contraste et une augmentation de la luminosité. J'ai tout tenté, rien n'y fait. La seule solution consiste, à l'inverse de ce qui est habituellement recommandé, d'avoir un œil vigilent sur l'histogramme pour lui garder à la base un petit vide de tout pixel, tout en s'efforçant obtenir l'effet artistique voulu dans la chambre noire.

Voici l'ébauche de worfkflow que je propose.

Eviter des noirs clippés
  1. Dans Exposition s'assurer avant tout que la luminosité est correcte. En cas d'une sur-exposition ou sous-exposition Krokus 4SLLaisser vide les bandes haute et basse de l'histogramme importante, ne pas hésiter à utiliser la pipette pour une correction automatique et recentrer les pixels dans l'histogramme. La plage tonale des négatifs noir et blanc correctement développés étant limitée, il n'y pas de risque de débordement.
  2. Tout commence véritablement dans le module Docteur néga. En utilisant la méthode proposée par Boris Hajdukovic https://www.youtube.com/watch?v=tWcj8aB_yXI&t=2258s Voir également : https://www.youtube.com/watch?v=VQGoCyns7_g , chercher à obtenir un bon étalement des valeurs tout en laissant vide la bande du bas de l'histogramme, ainsi que celle du haut. Le résultat manquera de contraste, mais c'est précisément ce qui permettra ensuite d'ajuster le contraste, sans risque de « clipper » les noirs ou les hautes lumières. J'ai pris l'habitude (bonne ou mauvaise ?) de ne pas utiliser D min comme il devrait l'être, mais uniquement pour recentrer la courbe dans l'histogramme. Ce serait une très mauvaise idée en couleurs !
    Le curseur Impression/Grade s'avère souvent utile pour éviter que le contraste devienne trop faible pour servir de base pour la suite du traitement. Je le place souvent aux alentours de 7 ou 8.
  3. C'est ensuite avec l'Égaliseur de ton – replacé dans le pipe après Docteur néga, (c.-à-d. au-dessus) – éventuellement aidé par Balance couleur RVB et/ou Diffusion ou netteté avec le preset Contraste local, que les derniers ajustements du contraste deviennent enfin possibles avec toutes la délicatesse voulue.

Différentiel de brillance

Un défaut souvent imputé aux encres carbone est le « différentiel de brillance » (Gloss Differential ). C'est une différence de brillance de la surface, visible surtout dans les aplats noirs les plus profonds ou les blancs complètement brulés. La méthode la plus classique pour y pallier est d'ajouter un vernis en bombe, souvent en plusieurs couches, sur l'ensemble de l'image. Ou bien même un passage supplémentaire dans l'imprimante juste pour ajouter une couche d'un Optimiseur de brillance (GLOP), comme une sorte de vernis.

Je rencontre rarement ce problème avec les numérisations de TriX. Sans en avoir la certitude, j'ai mis cela sur le compte de la texture irrégulière donnée par le grain qui fragmente les aplats. Ceci dans la mesure où je fais très attention de laisser toujours un peu grain apparent, même dans les plus hautes lumières. Mais à l'occasion d'une impression N&B d'un fichier TIFF venant d'un DSLR récent, donc sans grain, et contenant de noirs profonds, ce défaut a ressurgi brusquement.

C'est en cherchant à redonner les détails dans les noirs qui étaient écrasés dans le fichier qui m'avait été fournis, que je ne suis rendu compte que le workflow décrit ci-dessus fonctionne également pour enlever le différentiel de brillance, sans qu'un affaiblissement de la profondeur des noirs soit visible à l’œil.

Atténuation du grain

Comme je l'ai expliqué en détail dans mon article sur la numérisation en LED verte https://bw-film-scanning.oguse.fr/fr/index.html , la netteté obtenue avec ce procédé offre toutes latitudes au tireur pour la doser selon ses souhaits. Et c'est bien venu car, en effet, il s'avère que, selon le sujet de l'image ou les préférences du photographe, il est nécessaire d'intervenir. Voici ce que j'en disais :
« Je n'oubliais pas mon objectif d'obtenir un rendu de type « lumière diffuse » avec juste une once de diffusion bien dosée en post-production, tout en altérant le moins possible la précision des textures Je viens d'avoir une rare occasion de comparer un tirage 24x30 des années 70, réalisé sur un agrandisseur Drust 1000 équipé d'une ampoule opale, avec une impression d'aujourd'hui, faite d'après une numérisation du négatif en lumière ponctuelle verte et post-production soignée. J'obtiens une image plus précise, avec des détails plus fins, un contraste local incisif à souhait, un grain à peine visible qui éclipse l'aspect un peu empâté du tirage d'origine. . Que ce soit pour atténuer la prégnance du grain ou pour obtenir cette délicieuse « onctuosité » qu'offrent parfois les photographies en moyen ou en grand format ». https://bw-film-scanning.oguse.fr/fr/index.html

Par exemple, on ne souhaitera pas que le grain argentique soit trop présent sur un portrait féminin ou une photo de mariage. Et à l'inverse on appréciera peut-être sa présence dans une photographie de rue ou dans un paysage brumeux ?

En lumière diffuse cette phase de la post-production est escamotée, ce qui rend les choses plus faciles, mais c'est au prix d'une perte de précision dans les détails qu'il est impossible de limiter au strict nécessaire tout en obtenant l'effet global souhaité sur l'image. C'est alors l'ampoule qui décide pour vous !

À l'inverse, c'est le module Diffusion ou netteté qui nous donne cette possibilité. Voici un preset que j'ai nommé « Atténuation du grain » et qui fonctionne bien pour une numérisation d'une TriX 24 x 36 dans un fichier de 46 MPX :

Comme toujours avec ce module il est assez simple de doser l'effet en modifiant le nombre d'itérations.

Export en TIFF

Darktable fait bien son job d'export, mais il prend quelques raccourcis. Lors de l'export en TIFF, Darktable utilise par défaut le profil sRVB. Logique pour une image en couleur. Mais pour une image en noir et blanc quelques questions se posent :

Oh, un œil !

Oh, un oeil
Crop à 100 % d'un 36 MPX - TriX 24x36 - Sans atténuation du grain
Portion d'un tirage 80 x 120 cm

Je ne me lasserai jamais de l'émerveillement que provoquent en moi les performances de nos meilleurs objectifs, même anciens, s'ils sont utilisés dans les conditions pour lesquelles ils ont été conçus. Les photographes n'ayant pas eu à se confronter aux contraintes de l'argentique et de ses tirages sur papier, ont souvent du mal à se faire une image mentale de ce que sont ces performances.
C'est ce qui m'a donné l'idée de faire le photomontage ci-dessus, afin de mettre en évidence le fait que le diamètre de l'iris de cet œil ne mesure que 1,2 mm sur le négatif 24 x 36 ! J'espère que cela permet de se faire une idée plus concrète de ce que sont les possibilités :

Et même si les objectifs et les capteurs numériques d'aujourd'hui pulvérisent techniquement ces résultats, je trouve qu'on faisait déjà de bien belles choses ;-)

Il est très difficile, sur un écran, a fortiori à partir d'un PDF, de se faire une idée du rendu d'une impression sur papier, voici tout de même pour finir un exemple des valeurs et de la finesse des détails que j'essaye d'obtenir.
(Avec atténuation du grain pour un rendu plus adapté à un portrait féminin)

Il faudra ensuite examiner l'impression avec soin pour faire les dernières corrections. Sur cette image je veillerais particulièrement à ce que le blanc du tee-shirt ne grise pas.

Exemple de valeurs

Sommaire

  1. Choix du papier, de l'encre, de l'imprimante
  2. Installation de QTR et des profils
  3. Se fier à son œil, plutôt qu’à des courbes
  4. Utilisation du driver QuadtoneRIP (QTR)
  5. La post-production
  6. Oh, un œil !