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Numériser un négatif N&B en préservant ses textures les plus subtiles

Alain Oguse - Mars 2025

Extrait technique - Page 2
Résultats et améliorations

Alain OguseLa dernière configuration du prototype

Sommaire

Retour à la page 1 - Vers un prototype

  1. Les résultats en image
    1. Premiers résultats avec une LED blanche
    2. Résultats en LED verte
    3. Et pourtant il reste un problème
  2. Bilan final en quelques images
    1. Un exemple en LED blanche diffuse vs collimatée
    2. Un exemple en LED verte collimatée plus ou moins "atténuée" en postprod
  3. En guise de conclusion

Les résultats en image

Mon intention était d’inclure dans ce document des exemples comparés des images obtenues en lumière diffuse ou en lumière collimatée. Mais la comparaison sur écran est très problématique. Impossible de donner à voir de cette façon ce qui m’apparaît comme une véritable amélioration sur les « prints » que j’ai pu obtenir. Certes ce n’est pas d’une netteté « au scalpel », mais j’obtiens ce que j’espérais : un rendu correct du grain argentique de TriX 135 à 400 ISO pour un agrandissement en A3+, tout en permettant l’application des meilleurs algorithmes de Darktable, sans aboutir à une bouillie de pixels provoquée par les halos.

Mais qu'on ne s'y trompe pas, le résultat sur le grain n'est pas une fin en soi. Il est avant tout un lanceur d'alerte en faveur des textures (peaux, toiles, granités, plumes, sables). L'expérience venant j'ai pris l'habitude de post-produire mes images numérisées de  façon à adapter le traitement de la finesse des détails et des textures selon le sujet, le format du tirage et l'usage qui en sera fait : pour une netteté optimale, dans certains cas, pour plus de douceur, sur d'autres sujets. C'est un nouveau pouvoir magique offert au tireur numérique Ce nouveau pouvoir doit être apprivoisé et comme dit un petit Renard de ma connaissance, pour cela « il faut être très patient ». Je me souviens de Tonnie. Elle avait accepté d'être mon modèle pour des portraits dans le cadre du stage de Jean-Pierre Sudre. Je développe fébrilement les films et sortant du « noir » pour laver et glacer les planches contact, je vois Jean-Pierre discutant avec un homme très âgé. Je salue et, par discrétion, je continue mon travail. Lorsque la dernière planche contact sort de la glaceuse Jean-Pierre, qui me surveillait d'un œil, dit à son interlocuteur : « Puisque tu es là tu vas corriger le travail d'Alain. Tu vas voir il fait de bons portraits. » Et je rougis de plaisir… Puis il enchaîne « Alain, je te présente Brassaï ». Et je rougis encore plus, intimidé et impressionné. Brassaï examine intensément la douzaine de planches contact. Il attrape le crayon gras et tout en me félicitant il dessine un cadrage et ajoute : « C'est celle-ci ». S'en suit une bonne heure d'échanges avec cet homme délicieux sur la photographie et les évolutions de la société. Quelques jours plus tard je retrouve Tonnie à La Chope, place de la Contrescarpe. Inquiet de voir sa réaction j'ouvre doucement la boîte 30 X 40 découvrant le tirage auquel j'avais apporté tous mes soins. Immédiatement elle se lève sans rien dire et s'en va. Je ne l'ai jamais revue. J'ai toujours ce tirage auquel je tiens plus qu'à tout autre. Brassaï a aimé ce portrait. Sudre et moi aussi. Mais il a fait mal à Tonnie à qui je voulais l'offrir… J'étais un âne. Aujourd'hui je vois bien que le piqué inimitable du Rolleiflex Tessar 3.5 sur une FP4 de 125 ASA et un tirage volontairement « un peu contraste » ne rendait vraiment pas grâce au velouté du grain de sa peau. J'aurais dû faire deux tirages et cela aurait été un très bon exercice : un pour le stage et un pour Tonnie..

Petit à petit j'ai appris à m'émerveiller de la capacité quasi magique du grain argentique, alors qu'il est bien défini et bien visible, de s'éclipser au profit des détails d'un lainage, d'une peau. Et ces détails-là ne sont justement visibles que dans la mesure ou ce grain est bien présent et ciselé.

Cela m'évoque la remarque de cet expert de la salle des ventes Christie's, examinant un grand tableau https://www.christies.com/features/Constable-Painting-View-on-the-Stour-near-Dedham-at-Auction-7416-1.aspx (130 cm × 185 cm) du peintre anglais du 19e, John Constable, représentant un paysage : « Si on s'éloigne un peu on distingue vraiment l'expression du visage [du petit personnage sur la barque qui relève l'ancre], mais si on se rapproche ce n'est qu'un trait de pinceau, rien de plus. ». Qu’est ce phénomène ? Je ne sais pas l'expliquer, mais il est un des importants atouts, qui reste mal connu, du procédé argentique.

Premiers résultats avec une LED blanche

Exemple 1 - LED plus calque vs LED nue, comparaison sur portion d'un 60 × 80 cm

J’ai retenu l’image ci-dessous pour ses valeurs sombres qui sont précisément celles dont le rendu en lumière ponctuelle fait l’objet des principales critiques. Il y a également des aplats clairs, là où le grain se voit le plus facilement. Ces trois exemples présentent :

  1. Le résultat brut en lumière diffusée par ajout d’un calque à 25 mm de la LED,
  2. Le résultat brut en lumière ponctuelle,
  3. Le résultat en lumière ponctuelle plus postproduction dans Darktable ou Ansel avec le module "diffusion ou netteté" avec préréglage netteté du dématriçage (dont j'ai depuis abandonné l'utilisation).

Sur la troisième image :

  1. L’effet obtenu sur ce 60 × 80  serait très différent, et parfois inapproprié, sur des formats différents.
  2. Sans que le moindre effet de halo ne se manifeste, la netteté et le contraste sont ici fortement renforcés. Le rendu de la texture de la peau est bien amélioré alors que le grain devient désagréable dans les noirs (oui, oui, sur un positif le grain est blanc ;-)


Lumière diffusée par calque
Lumière ponctuelle
Lumière ponctuelle plus module diffusion ou netteté avec préréglage netteté du dématriçage

J’insiste enfin sur le fait que les images de ce document ne donnent qu’une idée très imparfaite du résultat imprimé. À ce niveau d’exigence sur le rendu il serait illusoire de penser qu’on puisse en juger sur écran afin d’imprimer ensuite à coup sûr. Seuls des bouts d’essai permettent de trancher.

Exemple 2 - Table lumineuse vs LED blanche, comparaison sur portion d'un A3+

Cuba, La Havane, 2000 - Photographie François Huchet
Cuba, La Havane, 2000 - Photographie François Huchet
À F8 le faisceau lumineux ne semble pas correctement centré.
Lumière diffuse portion de ≈ A3+ sans netteté ajoutée
À F11 le faisceau éclaire un bord du diaphragme confirmant un mauvais centrage.
Lumière ponctuelle portion de ≈  A3+ sans flou ajouté

L’image ci-dessus à gauche a été numérisée à l’aide d’une lumière diffuse sur une petite table lumineuse sur plaque plastique opale. À droite la même image numérisée en lumière ponctuelle, sans contraste local/clarté. Le grain est ciselé, régulier (trop ?), présent. Une fois accroché au mur c’est le rendu que je préfère.

Sur les images obtenues

Dans un premier temps j’ai été enchanté des progrès obtenus par rapport à tout ce que j’ai pu voir précédemment, que ce soit avec des scanners à plat ou en lumière diffuse sur DSLR. Mais je dois reconnaître que peu à peu j’ai été contrarié par de « petits » défauts qui subsistaient et dont je ne comprenais pas la cause ou dont je ne parvenais pas à me débarrasser. Je ne me parvenais pas à les accepter :

Résultats en LED verte

Dès le premier essai avec la LED verte, le résultat m’émerveille !

Ces trois images ci-dessous sont chacune une portion d'une TX 135 en 60 X 40.

Table lumineuse
Table lumineuse
LED blanche
LED blanche
LED verte
LED verte - La photo est floue, mais le grain et les noirs m'enchantent. Les noirs qui n'ont plus les défauts si souvent dénoncés à juste titre.

Je n’ai jamais obtenu auparavant un grain d’un aspect si précis. Partout il est ciselé, net, et parfaitement dispersé. Il devient même possible de discerner des différences selon le processus de développement utilisé : que ce soit par moi-même, par un laboratoire professionnel, ou par François Huchet ! Que n’ai-je trouvé cette LED plus tôt ?

La post-production est plus facile et les noirs enfin « normaux »

Les différents modules de Darktable/Ansel semblent plus faciles à utiliser. Les artéfacts qui apparaissaient très tôt en augmentant le contraste, se manifestent plus tardivement.

Enfin, les noirs ne sont plus « grumeleux ». Ils apparaissent désormais tels qu’ils doivent être, sans discontinuité dans la texture (sauf si par maladresse, ils sont clippés, bien sûr), et sans nécessiter un traitement spécifique.

Et quid de « l'onctuosité » introuvable ?

Je n’oubliais pas mon objectif de pouvoir  obtenir un rendu de type « lumière diffuse » avec juste une once de diffusion bien dosée en post-production, tout en altérant le moins possible la précision des textures. Que ce soit pour atténuer la prégnance du grain ou pour obtenir cette délicieuse « onctuosité » qu’offrent parfois les photographies en moyen ou en grand format, j’avoue que je n’obtenais toujours pas les résultats espérés…

C'est Aurélien Pierre qui est venu à la ressource en me donnant trois conseils décisifs pour une configuration bien spécifique d'Ansel/Darktable et son utilisation dans un tel contexte. Merci !

Ainsi, il devient facile de jouer avec le nombre d’itérations dans les deux instances selon le résultat obtenu sur papier. J’insiste encore : à l’écran il est impossible d’évaluer de telles subtilités qui varient selon le rapport d’agrandissement.

De cette façon les possibilités sont innombrables. J’ai enfin l’outil magique qui me permet comme je l’espérais, à partir d’une numérisation unique, d’émuler toutes sortes de sources lumineuses, en l’adaptant à tous les rapports d’agrandissement, à tous les sujets…
J’adore cela !

Après avoir imprimé quelques images je peux enfin tirer quelques conclusions :

Et pourtant il reste un problème

Quelques jours plus tard je n’obtenais plus du tout les mêmes résultats. Le grain paraissait à nouveau grumeleux, pâteux, moche, sans que je puisse l’expliquer. Maintes fois j’ai repris tous les réglages, sans succès. En vérifiant les dates de mes derniers RAW, j’ai fini par me rendre compte que cette brutale dégradation s’était produite après un changement du format du négatif. Cela semblait dénoncer un problème de réglage. Pourtant je venais de les refaire plusieurs fois, et avec plus de soin que jamais ! J’ai alors à nouveau mis en cause le processus de mise au point malgré la plus grande facilité obtenue grâce au recours du Live View directement sur l’écran du DSLR. Je rêvais de l’assurance qu’apportait le Scoponet https://objectif-argentique.com/le-scoponet/ malheureusement inutilisable dans notre cas. Incapable de trouver une solution j’étais dépité. Mon prototype ne me servait plus à rien…

Une règle et un cure-dentsUne règle et un cure-dents C'est en marchant dans les bois qu’une idée toute bête m’est enfin venue :

Grosse surprise ! C’est bien là qu'est le problème.

Comment une telle situation est-elle devenue possible ? C’est en totale contradiction avec ce que j’ai lu souvent sur le net, affirmant qu’en lumière ponctuelle le réglage de la netteté n’est pas « critique »…

L’image ci-dessous me redonne le sourire, car j’y retrouve toutes les finesses que j’espérais. Il fallait pour l’obtenir rapprocher la tête de l’agrandisseur de 3 mm (ce qui me semble énorme) par rapport à la mise au point faite en Live View. Le tableau présente l'ensemble des résultats obtenus en décalant la mise au point de 3 en 3 mm. Oui, c’est moche : affichage à 100 % avec postproduction aussi basique que possible, sans renforcement du contraste, afin de permettre une comparaison équitable. J’ai choisi une image sans détails interférant avec le grain et avec des noirs, ainsi que des gris légers, qui sont les zones plus critiques.

Ce côté « caméléon » du grain, capable d’apparaître sous des textures si différentes selon l’ampleur de l’erreur de mise au point, est pour le moins surprenants ! Le plus dérangeant est que, dans les valeurs claires de l’image, je retrouve cet effet étrange de « réseau interstitiel » dans le grain qui m'a souvent contrarié lors de mes essais, sans en comprendre la cause. Ou surtout ces gros point blancs1, qui deviennent si intrusifs dans les valeurs sombres de l’image. Cela m’a donné tant fil à retordre en postproduction, sans que jamais j’obtienne un résultat totalement probant. J’avoue que je m’en contentais, considérant que c’était tout de même meilleur qu’avec toutes les autres techniques. Mais il y avait là quelque-chose d’aléatoire sur quoi je ne me suis pas interrogé assez tôt !

Et tous ces problèmes s’évanouissent miraculeusement avec une LED verte !

Modification de l'aspect du grain en décalant la mise au point par incréments de 3 mm
Aspect du grain - Décalage de la mise au point au pas de 3 mm
(Portion d'un ≈ 40 x 60 cm)

On pourrait penser que les comparaisons faites sur l’affichage à 100 % d’un 36 Mpx n’ont pas grand sens pour des tirages en plus petit format. Mais pour les formats qui nous occupent ici, A3 ou A4, j’affirme au contraire que cela permet d’évaluer correctement les résultats.

Bilan final en quelques images

Un exemple en LED blanche diffuse vs collimatée

Les trois images ci-dessous, traitées comme précisé dans les légendes, sont une portion d’une TriX 135 qui, en entier, serait affichée en 13x18. Même en si petit format on distingue déjà des différences sensibles. Un clic sur l'icône rouge permet de se faire une idée de tous les détails qui sont escamotés par la lumière diffuse, à notre insu, dans les agrandisseurs les plus courants, mais aussi dans TOUS les scanners !
Cuba 2000 - La Havane - Photo François Huchet

LED verte
Numérisation en lumière diffuse (DSLR Nikon sur plaque Altuglas opale de 2 mm)
LED verte
Numérisation en lumière collimatée, sans atténuation du grain en postproduction - A mon avis le meilleur rendu dans ce format.
LED verte
Numérisation en lumière collimatée avec atténuation du grain (Module diffusion ou netteté de Darktable ou Ansel et preset d’Aurélien)

Un exemple en LED verte collimatée plus ou moins "atténuée" en postprod

Et pour finir un exemple de ce que j’affirme sur les possibilités étendues qu’apporte ce procédé au tireur pour « interpréter » l’image à sa guise. Ici, c’est une portion de TriX 120 datant de 1975 ;-)

Aucune atténuation du grain. A essayer pour un tirage en très grand format. Une fois au mur cela devrait donner un effet fort. A cette taille sur ce document c’est évidemment très mauvais
Aucune atténuation du grain. A essayer pour un tirage en très grand format. Une fois au mur cela devrait donner un effet fort. A cette taille sur ce document c’est évidemment très mauvais
Une atténuation du grain à minima pour préserver les moindre détails. Sans doute le bon équilibre pour un tirage en A3+ au mur
Une atténuation du grain à minima pour préserver les moindre détails. Sans doute le bon équilibre pour un tirage en A3+ au mur
Pour plaire au modèle. Ce n’est plus du portrait comme je l’aime, c’est presque de la photo de beauté… Mais il me semble essentiel de disposer de ce moyen d’aller jusque là, et même plus encore si besoin
Pour plaire au modèle. Ce n’est plus du portrait comme je l’aime, c’est presque de la photo de beauté… Mais il me semble essentiel de disposer de ce moyen d’aller jusque là, et même plus encore si besoin

En guise de conclusion

Je rêve qu'une personne compétente en optique puisse reprendre l'usine à gaz à laquelle j'ai abouti pour en faire un outil cohérent, compact et commode. Et bien sûr que ses travaux soient publiés et librement utilisables.