Numériser
un négatif N&B en préservant ses textures les plus subtiles
Alain Oguse - Mars 2025
Extrait technique - Page 1
Résultats et améliorations
La
dernière configuration du prototype
Il serait contradictoire de penser que
de fins détails du négatif seraient préservés
alors même que les poussières
seraient éliminées.
JENS JØRGEN JENSEN - Ingénieur CEO – Durst US - Mars 2002
Sommaire
- Une première tentative décevante
- Comprendre les problématiques
- À quoi la lumière diffuse joue-t-elle ?
- Un proto et son principe optique
- Schéma théorique et « pragmatique » du prototype
- Le matériel nécessaire
- Les réglages
Avant-propos
Cet article est le résultat de mes tentatives pour obtenir, à partir de négatifs N&B 24x36 non tabulaires https://fr.wikipedia.org/wiki/Grain_(photographie), des « prints » destinés à une exposition, en format A3+, de qualité équivalente à ce qu’il est possible d’obtenir de mieux lors d’un processus argentique de bout en bout : détails, valeurs, textures. Les choix, les préférences, les conclusions exprimées ici ne sont à considérer, à quelques exceptions près, que par rapport à ce but technique précis.
Une première tentative décevante
C’est en 2015 que j’ai entendu parler pour la première fois de la Piezographie https://piezography.com/. J’ai été immédiatement séduit par l’idée de pallier la lamentable durabilité des encres OEM des imprimantes jet d’encre que l’on utilisait alors. C’était pour moi l’époque où, l’âge venant, je prenais du champ par rapport à mes activités professionnelles. À la faveur de ma nouvelle disponibilité cette découverte a ravivé le désir de revenir vers la photographie dont j’avais quitté le métier depuis plus de 30 ans.
Puis j’ai découvert le site Web de Paul Roark https://www.paulroark.com/BW-Info/ qui offre ses formules permettant de diluer soi-même ses encres carbone. J’ai été enthousiasmé par sa démarche « Open source https://fr.wikipedia.org/wiki/Open_source ». J’ai donc proposé à mon ami François Huchet qui préparait une exposition de ses photographies N&B prises tout au long de sa carrière, de numériser ses négatifs et d’en faire des impressions en A3+ avec des encres carbone sur papier coton. La numérisation elle-même – qui finalement n’était à mes yeux qu’un travail de reproduction en macro – n’allait certainement pas me poser de problèmes. J’étais en terrain connu De 1970 à 1976 je faisais chaque année 10 000 reproductions de tableaux, manuscrits, gravures pour le commissaire priseur Maurice Rheims jusqu’à ce qu’il devint Académicien. https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Rheims, du moins le pensais-je…
Sur le net un avis dominait : les bons scanners étaient trop chers et leur mise en œuvre trop chronophage. L’alternative souvent préconisée était un DSLR sur une table lumineuse ; les utilisateurs se félicitaient des résultats obtenus. Et en effet j’ai rapidement obtenu de cette façon des images encourageantes.
Pourtant, sur les résultats, quelque-chose n’allait pas.
Je déplorais les textures affadies, estompées, devenant cireuses, comme la peau des visages trop retouchée sur des photos de beauté. Et surtout cet étrange moutonnement bien vilain qui prétendait ressembler à du grain argentique dans certains ciels lorsque j’augmentais le contraste ou la clarté. Cela n’avait pas grand-chose à voir avec la finesse du grain que j’avais connue. Je soupçonnais un effet de halo sans bien comprendre ce qui le provoquait.
Et je me suis soudain souvenu, des années 70 En octobre 1968 j'ai eu la chance d'être accepté par Jean-Pierre Sudre pour participer au premier stage de formation qu'il avait décidé d'organiser pour pallier les cruelles lacunes dans l’enseignement de la principale école de photographie qui existait alors à Paris. Il avait pris conscience de cet enjeu lors des événements de mai et juin 68. Douze jeunes ont ainsi appris le métier de photographe auprès de son épouse Claudine et de lui-même dans leur laboratoire N&B qui était à l'époque un des meilleurs en France. Il m'a ensuite proposé de devenir son assistant pour l'aider dans sa mission d'enseignement., lorsque nous remplacions parfois les ampoules opales des agrandisseurs Durst 138S par une ampoule légèrement dépolie afin d’obtenir un grain plus incisif. De la même façon serait-il possible de diminuer l’aspect opalescent de la table lumineuse utilisée pour numériser les négatifs. Je tenais peut-être LA coupable : la lumière diffuse ruinait-elle le grain ?
Comprendre les problématiques
Dans une version longue du présent article, sous-titrée « Mon aventure avec la lumière ponctuelle et quelques élucubrations qui s’ensuivirent », je raconte comment, après bien des recherches, j’ai pu commencer à y comprendre quelque-chose alors que je ne connais (presque) rien à l’optique.
Un photographe soviétique ouvre une voie
Un jour j’ai repéré la page Web d’un photographe russe : Mikhaïl
Solunin
Malheureusement son nom de domaine ne lui
appartient plus. Mais sur le site d’archivage du Web sa
publication est toujours là. Ce site d’archivage est
une merveille.. J’avais pu le trouver car il avait eu la
bonne idée de publier une version en anglais de ses essais de
numérisation en lumière ponctuelle sur un agrandisseur à condenseurs Mikhaïl utilisait un
agrandisseur Krokus 4SL. . Et je savourais cette chose
étonnante et réjouissante que des photographes de l’époque soviétique
– qui cherchaient à pallier l’absence des grades de papier dont ils
avaient besoin en utilisant des ampoules de moto au minuscule filament
– finissent par m’apporter l’amorce d’une solution. Hommage !
Les résultats qu’il publiait à l’époque étaient convaincants (voir plus loin), bien qu'il ne faille pas oublier la quasi-impossibilité d’évaluer sur écran le rendu effectif de ce type d’image une fois imprimée. Elles permettent tout de se faire une idée des effets des traitements en valeur relative.
Des publications pour moi déterminantes
La confirmation de la possible culpabilité de la lumière diffuse et des avantages de la lumière ponctuelle m’a permis de mieux orienter mes recherches et ainsi de découvrir deux sources techniques bien cachées mais essentielles.
Durst fait de la résistance
Bien cachée en effet derrière un titre étrange, SOMETHING ABOUT BILL CLINTON AND LIGHT HEADS ! UNE CHOSE INCONNUE À PROPOS DE BILL CLINTON ET DES TÊTES DE LUMINEUSES !, cette publication de Jens Jørgen Jensen, ingénieur CEO de Durst USA, publiée par Durst USA, Hillsboro, le 29 mars 2002. Depuis la disparition en 2011 du site Web de Durst USA il était encore possible de la trouver grâce au site d’archivage web.archive.org https://web.archive.org/web/20110627091537/http://durst-pro-usa.com:80/pdf/COLIMATED%20LIGHT%20VS%20DIFFUSED%20LIGHT.pdf.
Tout ce texte de 60 pages est une mine d’or pour qui veut aborder ces questions. J’invite le lecteur à s’y plonger. Voici une courte citation qui plante bien le décor :
« La lumière douce, c’est moins de tout : moins de travail, moins de contrôles et moins de dépenses (par rapport à la lumière condensée). C’est aussi moins de lumière et moins de piqué, à la fois de piqué réel dans les détails et moins de piqué perçu qui est le contraste local. Dans certains cas, c’est aussi moins de tonalités […]
Sur un point, la lumière diffuse est plus – elle est plus flexible et plus facile à utiliser qu’un système à condenseurs. »
Une étude universitaire de référence
Cette étude, L'effet Callier chromatique et ses effets sur la numérisation des vieux films de cinéma couleurs, a été publiée dans le Journal of Imaging Science and Technology par Giorgio Trumpy et Barbara Flueckiger, du Département d’études cinématographiques de l’Université de Zurich. Elle a ensuite été mise en ligne Chromatic Callier Effect and its Repercussions on the Digitization of Early Film Colors (PDF) en 2019.
Certaines phrases me confortent dans l’idée d’oser mettre en cause la lumière diffuse, même si en occurrence la problématique principale concerne la couleur :
« Aussi longtemps que les scanners de film utiliseront un éclairage diffus, même les pratiques de gestion des couleurs les plus rigoureusement exécutées […] ne pourront corriger des écarts de couleur […]. »
Une feuille de route se dessine
- Comprendre les principes optiques de ce procédé
- Monter un proto à base d’un agrandisseur
- Trouver une source de lumière ponctuelle
- Extirper toute cause de diffusion de la lumière
- Tester, corriger, tester, corriger, tester…
La prévalence des rayures et des poussières est le reproche couramment fait à l’utilisation d’une source lumineuse (quasi) ponctuelle. Dans le cadre de mes essais cet argument ne tient pas/plus :
- Car aujourd’hui un logiciel de traitement graphique permet d’effacer rayures et poussières de manière plus facile, plus efficace et plus rapide que la traditionnelle repique au pinceau et à l’encre de chine à laquelle nous étions contraints en argentique,
- Car les méthodes que je présente ici sont massivement chronophages. Il est donc logique de ne les appliquer qu’à des images auxquelles on attache suffisamment d’importance pour s’y consacrer longuement et, de préférence, avec plaisir. Dans un tel contexte un peu plus ou un peu moins de temps pour effacer des poussières ne compte guère. Il m’est arrivé de consacrer de longues heures à restaurer une image dont le négatif avait été « labouré » par l’agence de publicité à laquelle il avait été confié. Le résultat final a été une réelle satisfaction.
À quoi la lumière diffuse joue-t-elle ?
Pour m’assurer d’avoir bien compris, j’ai eu besoin de recourir à mon
propre dessin
Chaque point du négatif reçoit
de la lumière de tous les points du diffuseur . Ainsi je
vois comment en lumière ponctuelle chaque point du négatif reçoit la
lumière d’une seule direction, alors qu’en lumière étendue (ou
diffuse), chaque point du négatif reçoit de la lumière de tous les
points du diffuseur. Je réalise qu’en effet chaque point du diffuseur
se comporte comme une source lumineuse de rayons divergents. C’est
bien cette multiplicité de sources divergentes qui fait que, si un
objet opaque est intercalé, le diffuseur provoque autour de l’image de
cet objet une zone de pénombre. Et on devine que ce phénomène est
proportionnel à la surface relative du diffuseur et à son facteur de
diffusion.
De plus apparaît sur ce dessin un fait auquel je ne m’attendais pas, également provoqué par le diffuseur : la surface de l’ombre portée est diminuée et se trouve en partie remplacée par la pénombre qui déborde amplement. Je n’ai rien trouvé sur sur le net qui s’attarde sur les conséquences de ce phénomène, sauf dans la publication de Durst.
Pour résumer j’ai retenu qu’une source lumineuse diffuse provoque une double altération des bords par ajout d’une zone de pénombre et la diminution de la taille de l’ombre portée. Cette double altération de la précision des bords m’expliquait enfin comment le rendu du grain argentique devient confus.
Rappelons à ce sujet une chose qui prête souvent à confusion. Dans le film négatif N&B le grain argentique est noir. En conséquence, en positif sur le tirage, le grain est blanc. Sur l’image positive très agrandie ci-dessous les points foncés ne sont pas les grains d’argent, lesquels se cachent sournoisement dans ce qui apparaît sous la forme d’un réseau interstitiel blanc.

Un proto et son principe optique
Afin de limiter les risques j’ai cherché le même modèle
d’agrandisseur
Le
Krokus Color 69S que celui qu’utilisait Mikhaïl, mais il
est rare en France. En occasion le plus courant est le Krokus 3 Color.
À éviter absolument, car ses condenseurs contiennent souvent des
bulles d’air qui restent visibles sur l’image produite en lumière
collimatée. Mon choix s’est porté sur un autre modèle, le Krokus
Color 69S que j’ai pu acheter d’occasion pour une centaine d’Euros. Sa
conception et sa fabrication sont plus récentes. La qualité, quoique
encore médiocre, permet tout de même de faire un proto.
Ainsi j’ai pu commencer à dessiner le principe optique Principe optique
d’un système à condenseurs de mon prototype.
Durst proposait, dans sa publication évoquée plus haut, un mini guide (ci-dessous) qui résume la problématique de la construction d’un système à condenseurs. Les quatre premiers points me semblent dorénavant parfaitement clairs. En revanche les deux derniers points (E et F) mettent en exergue des problèmes que j’avais entraperçus mais que j’avais éludés et classés dans de simples problèmes de manip. Car ils ne cadraient pas avec les petits dessins que j’avais glanés sur le net. Bref, il me restait des lacunes.
Les défis à relever [...] sont :
A. Focaliser la lampe ou son filament en plein centre (point nodal) de
l'objectif d'agrandissement.
B. Placer le négatif exactement là où les rayons lumineux ont le plus
haut degré de collimation.
C. Placer l'objectif au point où il rend un résultat net, les
exigences A et B étant remplies.
D. Utiliser des lentilles de condenseur d'un diamètre suffisamment
grand pour couvrir les négatifs tout en gardant les dimensions du
système suffisamment petites pour qu'il soit maniable.
E. Permettre différents rapports d'agrandissement pour chaque taille
de négatif.
F. Permettre un faisceau lumineux avec le degré de collimation le plus
élevé possible.
Schéma théorique et « pragmatique » du prototype

Le matériel nécessaire
Une ampoule LED et son support
Version initiale : récup de la LED d’une torche
J’ai tout bêtement désossé une petite lampe torche pour récupérer l’ampoule de 4 W-6V dont la diode est d’un diamètre de 2 mm (quasi ponctuelle). Alimentée par un boîtier de 4 piles R6, elle offre une puissance lumineuse plus que suffisante pour ce type d’utilisation.


La fixation de l’ampoule est un bricolage facile. En revanche sur le Krokus le système de réglage de la position est trop approximatif pour notre usage. Je n’ai toujours pas trouvé la bonne solution. À l’inverse il s’avère que le réglage de la hauteur ne nécessite pas une grande précision La suite de mes essais me fera changer d’avis à ce sujet… . Il ne devra varier que selon le format du négatif. Le plus critique est l’alignement de l’ampoule, pile sur l’axe optique, au millimètre près. Une fois réglé il devrait être quasiment fixe. Le plus commode serait d’avoir deux réglages indépendants, un pour la hauteur et l’autre pour l’alignement Voir en fin de cet article le test donnant d’excellents résultats que j’ai réalisé ultérieurement..


Ce type d’ampoule envoie un spectre lumineux calamiteux. On pourrait penser que cela importe peu en N&B. Mais je me demande si l’utilisation d’une LED monochrome, verte par exemple, ne permettrait pas d’atténuer les effets des aberrations chromatiques ?
Deuxième version : une LED pour la couleur
Pour ceux qui souhaiteraient tester la numérisation de photographies couleurs (négatifs et diapositives) il faudrait tester de ces LED qui sont utilisées dans les musées ou en prise de vue photo/vidéo. Il existe des produits dont le spectre est beaucoup plus homogène que ceux des LED militantes de base. On les distingue par leurs indices de rendu de couleur, ou IRC (CRI) :
« L'indice de rendu de couleur, ou IRC, rend compte de la capacité d’une source de lumière artificielle à restituer les nuances de couleur d’une surface. Compris entre 0 et 100, il est établi par rapport aux couleurs rendues avec une source de référence de même température de couleur Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_de_rendu_de_couleur . »

Je viens enfin de trouver une de ces LED
LED
Bridgelux 3000 K CRI 97/98 - Taille réelle 3 × 2,5 mm -
https://www.tme.eu/fr/ sur un site où la
quantité minimum n’est pas de 4000 pièces mais de 51. En voici les
principales caractéristiques : BXEN-30S-11M-3C, SMD, 2835, CRI
97/98, 56lm, 3000 K, 150mA, 3V, 3 × 2,5 mm. J’ai
rapidement testé… Les résultats en N&B sont semblables aux tests
précédents. En revanche en couleurs les résultats sont bien meilleurs.
Mais je ne m’appesantis pas : la couleur n’est pas mon domaine de
compétence.
Troisième version : une LED verte serait-elle plus efficace ?
Après une bonne centaine de « print » A3+ jugés excellents – par mon entourage ou par moi ;-) – je ne parvenais tout de même pas à me contenter des résultats. Je me demandais si une LED verte dont j’avais eu l’idée permettrait de nous débarrasser des aberrations chromatiques de mes condenseurs.



Une LED plus petite qu’une tête d’épingle émettant au milieu du spectre de la lumière visible avec un angle assez étroit : comment y résister ? Cette LED a été inventée pour moi !
C’est le moment de se remémorer ces deux schémas de Wikipedia et de
Durst. Le premier schéma montre pourquoi une lumière mono chromatique
se soustrait aux aberrations chromatiques et le second met en évidence
comment l’utilisation de la partie la plus centrale des
condenseurs – ce qui est bien le cas de mon proto en 135 –
diminue les conséquences des aberrations sphériques.


Je dois reconnaître qu’il n’est pas aisé de souder une LED si minuscule. Mais avec l’aide de quelques tutoriels et en acceptant d’en gâcher 1 ou 2 (dont le coût est dérisoire) on finit par y parvenir.

Table
coulissante et support pour la LED qui sera ensuite peint en noir https://fr.aliexpress.com/item/1005006085578165.html
Dès l’installation de cette minuscule LED verte, j’ai été à
nouveau confronté aux difficultés de réglage de sa position, comme
déjà signalé ci-dessus, à cause du fait que la hauteur et le centrage
sur l’axe optique sont réglés en même temps depuis la seule rotule
coulissante prévue par Krokus.
Cherchant comment résoudre ce problème j’ai fini par trouver cette table coulissante1. Certes c’est un « un marteau pilon pour enfoncer une punaise » mais je n’ai pas trouvé plus simple dans le même genre. Et le prix n’est pas excessif.
J’ai ajouté un petit support bricolé en alu blanc
(photo à gauche) qui sera peint en noir et sur lequel est fixée avec
précision une petite plaque en PVC (photo à droite) puis sur laquelle
est collée la LED.
Ainsi équipé les réglages deviennent faciles.
Modification du passe-vue
Il vaut mieux se passer du verre du passe-vue. Autant d'attrape poussières en moins. Une commande sur un site spécialisé m’a permis de le remplacer par deux tôles découpées au laser qui calent fermement le négatif. À peindre en noir, bien sûr ! Bien prise en sandwich la gouttière que forme tout négatif 135 est minimisée.


Un objectif
L’objectif dont je dispose est le fabuleux objectif d’agrandisseur Apo Rodagon 1:4 90 mm qui a ressurgi de l’époque où je faisais des tirages argentiques. Ça tombe bien car un 90 mm sur un capteur plein format – donc au rapport 1:1 – est idéal pour ce type de travaux : peu de déformation et distance allongée entre les éléments facilitant les manips.
L’Apo est monté en position inversée. On m’a toujours appris qu’il faut le faire dès que le tirage optique devient important afin d’utiliser les lentilles dans les conditions angulaires les plus proches possibles de celles pour lesquelles elles ont été conçues. Vrai ou faux ? Je ne sais pas, mais cela me semble plausible.
Le seul (mais important) défaut de ce vieil Apo Rodagon est qu’il n’a pas de traitement multicouche. Un nouveau compromis que je dois accepter pour un budget maîtrisé. Une raison de plus pour tester en lumière verte ?
Souvent, sur un objectif d’agrandisseur, les chiffres indiquant le diaphragme sont éclairés par un dispositif optique interne qui dévie une petite partie de la lumière provenant de l’ampoule de l’agrandisseur. Ce dispositif créé une de fuite de lumière. Dans une configuration de type banc de reproduction classique, afin d’éviter une source supplémentaire de flare, il faut veiller à protéger la bague de la lumière extérieure afin de colmater cette faille.
Un soufflet macro ou une bague allonge
J’utilise un soufflet macro PB-5 Nikon (photo page suivante). En occasion, c’est abordable. Le reproche le plus courant fait aux soufflets en macro est l’encombrement. Ce n’est pas gênant pour notre application. Et surtout ce choix permet d’étendre notre proto à la numérisation des 4,5 × 6, 6 × 6 et même 6 × 9. Vous verrez : dès que vos amis apprendront vos nouvelles compétences, surgiront des tiroirs des flopées de négatifs moyens formats plus ou moins anciens et souvent dignes d’intérêt et/ou d’égards.
On trouve facilement toutes sortes de bagues assurant l’interface entre la monture côté boîtier (boîtier lui-même ou bague allonge, soufflet…) et votre objectif macro, ou même au diamètre du filetage avant de votre objectif d’agrandisseur. Une qualité médiocre de cette bague peut suffire compte tenu de la position verticale de l’objectif qui sollicite peu le montage.
Cache anti-flare
Un
cache anti-flare ajouté sur le bloc condenseur Mon bloc
condenseur est médiocre. Raison de plus pour ne pas ajouter
inutilement de la diffusion. Je l’ai donc masqué en ajoutant un cache
noir découpé, en prenant garde de ne pas empiéter sur le flux lumineux
utile devant traverser le négatif.
Un boîtier numérique et son support
J’utilise un Nikon D810 doté d’un capteur plein format de 36,3 Mpx qui donne les résultats que j’attendais. J’avais fait des essais préliminaires avec un capteur APS-C de 12 Mpx qui ne suffisait pas À ce sujet je suis d’accord pour l’essentiel avec cet article : https://www.cmp-color.fr/scan2020.html. Il n’y manque que la problématique du type de source de lumière qui, dans la plupart des cas évoqués, est diffuse ; ce dont les constructeurs ne se vantent évidemment pas. .
Un « mirrorless » serait sûrement parfaitement adapté. Je serais également très curieux de voir ce que donnerait un Leica Monochrom.
Version initiale
Le
soufflet du porte-objectif de l'agrandisseur sera descendu pour la
prise de vue évitant ainsi de devoir faire l'obscurité totale dans
la pièce Comme le montre la photo ci-contre il faut un
support stable et permettant de glisser latéralement et de façon
fluide l’ensemble boîtier-soufflet-objectif. Le nôtre1 est fait d’un
bloc de bois assez lourd et d’une tôle pliée à angle droit. Les
réglages doivent permettre d’assurer une parfaite verticalité et
l’alignement sur l’axe optique.
Deuxième version
Les boîtiers d’aujourd’hui étant dotés de moyens de connexion (USB, HDMI, Wifi), je pensais qu’il serait pratique de piloter le boîtier en « Live view » sur ordinateur à partir d’une application de traitement graphique supportant le mode partage de connexion (tethering). Sous Windows il existe de nombreuses solutions pour cela, y compris un logiciel open source : digiCamControl (https://digicaontrol.com/). Cela s’est avéré correct pour le cadrage et le rapport d’agrandissement. En revanche, pour la mise au point cela ne permet pas un réglage assez précis avec DigicamControl. Peut-être les solutions propriétaires sont-elles plus performantes ?
Deuxième
version plus commode du support du boîtier qui ne dispose
malheureusement pas d’un écran rotatifJ’ai donc tenté une
seconde approche en modifiant le support du DSLR de façon à glisser un
miroir sous l’écran du boîtier et bénéficier directement du Live view
du Nikon D810. Voici une vidéo sur son utilisation
https://www.youtube.com/watch?v=rojgUQgvBnw.
J'explique plus loin que cela s'est avéré en net progrès, mais tout de même insuffisant...

Les réglages
Pour plus de facilité je recommande de procéder dans l’ordre suivant.
Cadrage, rapport d’agrandissement et mise au point
Placer un négatif dans le passe-vue (24×36 – 6×6 – 6×9), puis régler l’ensemble afin que l’image du négatif remplisse la quasi-totalité du capteur p régler la netteté. Au rapport proche du 1/1 ces réglages deviennent délicats et semblent s’inverser. Ainsi il est plus commode de régler la netteté en faisant varier la distance, et le rapport d’agrandissement en faisant varier le tirage. Au début ça déstabilise, mais on s’y fait.
Distance de l’ampoule au condenseur
Méthode initiale (inspirée de mes « trouvailles » sur le net)
Il faut ensuite procéder au réglage de la distance de l’ampoule au condenseur. Théoriquement il faudrait ajuster la hauteur de l’ampoule en focalisant son image, la plus nette possible, exactement au niveau du diaphragme de l’objectif. Mais on ne peut s’en tenir à la position théorique idéale et il faut l’adapter à la situation selon :
- Le rapport d’agrandissement et les focales des condenseurs ainsi que de l’objectif,
- La qualité des condenseurs et leurs aberrations sphériques et chromatiques.
Selon la qualité des condenseurs il faudra se contenter du résultat le moins flou possible. Et si l'installation utilise une part importante de la surface des condenseurs, peut-être même faudra-t-il décaler la position de la lampe, comme le conseillait Durst, afin de pallier les effets des aberrations sphériques.
Voici comment il est habituellement conseillé de procéder On verra plus loin que j’ai découvert une solution plus subtile ;-)
- Marquer avec précision, sur le plateau de l’agrandisseur, la position du socle de l’ensemble boîtier-soufflet-objectif. Ceci afin de pouvoir y retourner facilement. Puis le déplacer latéralement pour donner un libre accès au cône lumineux en sortie des condenseurs.
-
Réglage de la hauteur de la lampe. Son image sur le carton n’est pas aussi focalisée que souhaité :-( À la hauteur du diaphragme, dans le cône lumineux devenu ainsi accessible, placer un carton blanc perpendiculaire à l’axe optique pour faire écran. Jadis certains objectifs avaient un repère indiquant où se situe le diaphragme. C’était bien commode. À défaut on peut estimer qu’il se situe au niveau de la bague de diaphragme elle-même. Cette approximation est suffisante pour cette mesure qui n’est pas critique.
- Régler la hauteur de l’ampoule pour obtenir sur le carton une image avec le plus fort degré de collimation possible. Ce sera loin de ressembler à une image bien nette (voir ci-contre) ; ceci est la conséquence des compromis évoqués plus haut (rapport d’agrandissement, aberrations diverses…)
- Replacer avec soin l’ensemble boîtier-soufflet-objectif dans ses repères sur le plateau de l’agrandisseur.
Axe optique et parallélisme : et tout devient simple
Si vous avez l’expérience de travaux de reproduction en macro (timbres, autographes, monnaies) vous avez pu constater qu’un parfait parallélisme entre le plan du document et le plan du capteur sont indispensables pour éviter les déformations et évidemment pour assurer la netteté sur toute l’image. Pour numériser un négatif il en est de même, et c’est particulièrement critique car une légère déformation qui peut passer inaperçue au rapport 1/1, devient rédhibitoire lorsqu’elle est agrandie 10 ou 12 fois sur un tirage.
On lit souvent qu’il est difficile de régler la position de l’ampoule en lumière ponctuelle. Cette façon de présenter les choses peut induire en erreur ! En réalité elle révèle surtout une façon de faire très maladroite. La bonne méthode consiste à ne se préoccuper a priori que de deux choses : le parallélisme et le parfait alignement dans l’axe optique de tout le système : ampoule, condenseurs, négatif, objectif, capteur. C’est strict, c’est mécanique, c’est simple (non, pas toujours !), c’est magique ; il suffit d’avoir un peu de patience, un niveau à bulle, un fil à plomb, une équerre, un niveau laser…
Méthode initiale
Lorsque ces réglages sont corrects, forcément la plage lumineuse est parfaite. C’est ainsi. Et il y a une façon efficace et commode de s’assurer des bons réglages. Les deux images ci-dessous, prises à l’aide d’un smartphone glissé sous l’agrandisseur au-dessus de l’objectif et en frôlant le faisceau lumineux, montrent les reflets du passage de la lumière à travers l’objectif. Grâce à cela on visualise la précision du centrage. Le moindre décalage est révélé par une illumination du bord du diaphragme, a fortiori en réduisant l’ouverture.


Sur ces images ci-dessus Notez au passage combien la lumière collimatée met en évidence les poussières sur les lentilles mal dépoussiérées ;-) le degré de collimation ne semble pas très affûté. Et s’il est impossible d’obtenir mieux est-ce à cause des condenseurs trop médiocres ?
Et tout à coup je découvre qu’un smartphone nous donne un moyen définitif pour régler le degré de collimation (c’est-à-dire la hauteur de la lampe) avec une précision imbattable. Il suffit de fermer totalement le diaphragme. C’est alors sur le diaphragme lui-même qu’on peut projeter l’image de la lampe. Impossible d’être plus précis.
Bien sûr, si une partie de la lumière est bloquée par le diaphragme,
la plage lumineuse sera irrégulière.
Ici, à F8 ça déborde ! Le degré de
collimation n'est pas suffisant Ces manipulations
étant terminées, il faut penser à se remettre à F8 ou F11 avant de
déclencher. C’est une indication donnée par Drust, malheureusement
sans plus d’explication. Je me suis longtemps interrogé à ce sujet.
Car le faisceau lumineux étant plus étroit que le diaphragme, ce
dernier ne peut plus avoir d’effet sur la netteté. Sauf que… je me
demande s’il n’a pas finalement un rôle anti-flare non négligeable en
arrêtant la lumière réfléchie sur les multiples surfaces des
lentilles.
À ce stade une bonne surprise nous attend : si toute
l’installation est bien réglée, avec cette lampe LED de 4 W
seulement, le temps de pose oscille entre le 1/500 et le 1/1000 s à
200 ISO. Ce n’est pas une raison pour se dispenser, sur un
reflex, de vérifier que le miroir se relèvera à un moment bien décalé
de celui de la prise de vue afin d’éviter les vibrations.
Méthode 2 – Après installation de la LED verte et de son nouveau support
D’autant plus que la diminution des aberrations colorimétriques, permettant une focalisation plus fine, il devient facile de distinguer le bon réglage.
Peaufinant ce réglage selon la méthode déjà décrite, mais avec un dispositif dorénavant tellement plus commode, une idée m’est venue. Afin d’en vérifier la pertinence, j’ai glissé à nouveau mon smartphone au-dessus de l’objectif, mais cette fois avant et après avoir enlevé le négatif :


Mais bien sûr, que n’y avais-je pensé plus tôt ? Le négatif à lui seul provoque de la diffusion. Ceci est devenu bien visible, sans doute du fait de l’élimination des aberrations chromatiques grâce à la LED verte.
Ce dernier problème étant résolu de façon raisonnablement commode, je décrète que mon proto, quoique toujours artisanal, est dorénavant officiellement opérationnel ;-)