J'ai
souvent entendu parler
de « réticulation » de la gélatine
sans jamais en avoir rencontrée...
Alain Oguse - Juillet 2025
Ça existe ? Ça se soigne ?
Alors que j'apprenais les métiers de laborantin couleurs, puis de photographe, à la fin des années 60, j'ai souvent entendu parler de « réticulation » de la gélatine. Et pourtant je n'en avais jamais eu en main. Ce danger me semblait être un peu comme la menace faite à un enfant que, s'il ment, son nez s'allongera.
Voyons aujourd'hui ce portrait d'un copain en 1972, tiré à l'époque en 18 x 24 cm sur agrandisseur. Rien de particulier à signaler. C'est juste une photo entre amis ; techniquement on y prête guère plus d'attention. Le tirage est sans doute rangé quelque-part... Cinquante ans plus tard, on aime retrouver ce vieux négatifs. Et si on le numérisait ? Que donnerait une numérisation avec mon procédé en lumière verte ponctuelle.
IMPORTANT
➔ : Les
images de cet article tentent de reproduire au mieux le rendu pour
des formats papier précis. Mais les navigateurs Web respectent
prioritairement les paramètres d'affichage de votre système et non
pas la taille réelle des images en pixels. Ainsi, pour un système
Windows dont les paramètres d'affichages sont réglés à “125%
recommandé”, au lieu du rendu d'un 18x24 cm vous obtiendrez 25% de
plus, soit presque un 24x30 cm. La problématique est différente
sous Linux, quoique un peu du même genre. Sur Mac le problème
semble moins présent.
J'encourage vivement à faire le nécessaire afin que les images
s'affichent à leur taille réelle en pixels. Sinon il n'est guère
possible d'évaluer les nuances présentées ici.
Pour cela deux solutions sont possibles :
- la plus précise consiste à passer le paramètre d'affichage
momentanément à 100%,
- la plus simple est de diminuer le zoom du navigateur (Ctrl +
molette). Dans le cas d'un affichage à 125%, diminuer à 80% pour
un résulta approchant.
Numérisation en lumière ponctuelle (verte)
C'est bien moche ! Rayures, poussières, et surtout un aspect général bizarre.
En plus grand ? Un clic sur l’icône rouge pour une portion de 40 x 60 cm (A2).
Et bien oui, c'est la première réticulation que je rencontre. Cette détérioration concerne toute la surface de l'image de manière homogène. Les fissures blanches sont très présentes, envahissantes. De plus, le grain semble désorganisé, confus, enlaidi. Enfin, le négatif est rayé et très sale. Il faudra le nettoyer délicatement à l'alcool isopropylique et faire une bonne « séance de repique/retouche ».
Que s'est-il passé ?
Cherchant sur le net je découvre que les images présentées au sujet de la réticulation de film photographique sont très différentes de ce que nous observons ici. Il n'est indiqué comme cause qu'un écart de température, lors du traitement, si important qu'il ne peut qu'être volontaire https://cmsw.mit.edu/wp/wp-content/uploads/form-maker/Photographic%20Film%20Reticulation%20Due%20to%20Temperature%20Changes%20during%20Film%20Development.pdf. Dans notre cas, c'est exclus. Tout a été fait à 20° C pile, c'est certain. Alors ?
Ce négatif en TriX 135 était soigneusement rangé dans un classeur de 30 feuillets (soit 30 films de 36 poses). Il s'avère que TOUS sont dans le même état. Après avoir longuement torturé le propriétaire j'ai fini par apprendre que ce classeur, en plastique noir, avait été oublié quelques jours sur un bureau, près d'une fenêtre exposée au Sud, en plein été. Dans une telle situation la surface du classeur a pu atteindre, et peut-être même dépasser, la température du seuil de la douleur, soit 50° C. Cette cause semble plausible, n'est-ce pas ?
Peut-on sauver cette image ?
Pas question de laisser passer une si belle occasion de confronter mes récentes expériences à une réalité si rebelle. La première idée est de tenter d'estomper les fissures de la réticulation en utilisant le module Diffusion ou netteté de Darktable/Ansel, un peu comme j'ai pris l'habitude de l'utiliser pour atténuer le grain en lumière ponctuelle (lorsque le sujet s'y prête). Ce serait une bonne occasion d'explorer plus avant les multiples (mais délicates et exigeantes) possibilités de ce module. Les premiers essais furent décevants. Puis j'ai découvert un passage de la doc qui précise :
« La diffusion naturelle se produit habituellement depuis les points à haut potentiel (haute énergie ou haute concentration de particules) vers les points à bas potentiel (basse énergie ou basse concentration de particules). Dans une image, cela signifie que la diffusion se produit toujours des pixels les plus clairs vers les pixels les plus sombres. »
Si j'interprète cela correctement, dans notre cas il faudrait que, à l'inverse, la diffusion s'étendent des parties sombres (les parties non réticulées) vers les parties claires (les fissures de la réticulation). Il faudrait donc déplacer le module dans le « pipe » pour le placer avant l'inversion par le module Docteur nega. Que n'y ai-je pensé plus tôt ? D'emblée les résultats s'améliorent. Mais cela n'est tout de même pas magique. J'ai beaucoup tâtonné pour obtenir une diminution tangible de la réticulation, sans aller jusqu'à provoquer un flou encore plus détestable que le réticulation. L'équilibre est délicat à trouver et je suis loin de maîtriser toutes les intimidantes possibilités de ce module.
Numérisation en lumière ponctuelle « atténuée »
En plus grand ? Un clic sur l’icône rouge pour une portion de 40 x 60 cm (A2).
Je trouve là mes limites pour tenter de singer la lumière diffuse avec cette technique. Certes, à petite dose, pour atténuer le grain par exemple, j’obtiens de bons résultats, mais en revanche, pour escamoter les larges fissures de la réticulation, il faudrait pousser les curseurs à tel point que les détails de l'image sont trop impactés.
Numérisation en lumière diffuse (verre dépoli)
Il faut donc trouver une autre solution. C'est alors que j'ai repensé à une discussion avec Aurélien Pierre au sujet de son module Diffusion ou netteté. Si je me souviens bien, il avait été très clair : même si le module donne des résultats utiles pour atténuer le grain, les principes de mathématique et physiques de ce module ne peuvent produire une diffusion exactement similaire à celle d'une lumière diffuse. Alors, peut-être faudrait-il essayer une numérisation tout simplement en lumière diffuse ? Par commodité j'ai juste ajouté un diffuseur à 1cm au dessus des condenseurs. J'ai même testé trois diffuseurs différents : un papier calque, un diffuseur plastique extrait d'un téléviseur LED en panne, et le verre dépoli d'une vielle chambre 4x5. Et c'est ce dernier qui a donné, et de loin, les meilleurs résultats.
Beaucoup mieux ! Ce n'est pas merveilleux, mais à ce format l'image est sauvée.
Ça donnerait quoi en 40 x 60 cm (A2) ? Un clic sur l’icône rouge pour voir ?
Et miracle, plus aucune trace de réticulation alors que le flou ajouté reste relativement limité. La lumière diffuse est décidément capable de bien des cachotteries ;-). Quant à lumière ponctuelle, elle semble n'être plus qu'une complication de maniaques qui rêvent de compliquer la vie des gens en révélant les plus fins détails qui pourraient restés discrètement escamotés sans déranger quiconque... Niark !<
A ce stade, faute de mieux, c'est une possible solution de dépannage.
On se jette à l'eau ?
Pourtant, je ne parvenais pas à oublier une petite idée que j'avais eue au cours de ces essais, et que j'avais repoussée la pensant trop « old school ». La réticulation semblant être le résultat de la contraction de la gélatine trop déshydratée par la chaleur, serait-il possible d'en réduire les effets en la ré-hydratant ? Plonger le négatif pendant 2 à 3 heures, dans un bac d'eau à température ambiante avec quelques gouttes de produit mouillant (PhotoFlo ou même simple produit vaisselle) ? Puis laisser sécher à l'air libre sans ?
Cette idée pourrait sembler contraire aux exigences de préservation des originaux à un photographe de l'aire du numérique qui n'a jamais plongé un film ou un papier photographique dans un bain de révélateur. Elle semblait au contraire une tentative pertinente et anodine au vieux singe De ceux dont on dit qu'on ne leur apprend pas à faire des grimaces ;-) que je suis et qui a développé tant de films de tous types : N&B, couleur, négatif, positif, Ektachrome E2-E3, et tous les formats du 135 jusqu'aux plans films 20x25 cm.
En si petit format on voit juste un peu plus de contraste local qu'auparavant.
Ça donnerait quoi en 40 x 60 cm (A2) ? Un clic sur l’icône rouge pour voir ?
La réticulation a totalement disparu ! C'est à peine
croyable.
Dans les plus grands formats on voit de façon évidente que le résultat
est meilleur que tout ce qui pouvait être raisonnablement espéré.
La meilleure solution est donc dans les bonnes vieilles techniques de
labo...
En résumé
Pour comparer rapidement les résultats des différentes essais, voici 4 portions d'un 40 x 60 cm (A2)



Et enfin, puisque je suis en train de faire des comparatifs, autant aller jusqu'au bout et voir si vraiment mes efforts on un sens. Numérisation avec un scanner Epson V600. Résolution choisie : 6400 dpi. Comme pour les autres : portion d'un 40 x 60 cm (A2)

Je suis déconcerté par ce dernier résultat franchement mauvais. J'ai donc cherché sur le net pour vérifier si j'avais pu en faire un mauvais usage. Et j'ai trouvé ceci qui confirme mon résultat mais surtout me révolte de la part d'une grande marque : Source : un excellent site disponible en français et en anglais, mais qui malheureusement ne semble plus mis à jour. Très utile pour s'informer sur les anciens modèles de scanner films. https://www.filmscanner.info/en/EpsonPerfectionV600Photo.html« D'après notre tableau de résolution , la résolution effective est de 1 560 dpi. C'est moins d'un quart de la résolution de 6 400 dpi annoncée par le fabricant. » Et ceci semble s'être à peine amélioré pour le V850 avec 2300 dpi. A n'utiliser donc que pour des négatifs en moyen formats et au-dessus. Ou à la rigueur pour du 135 mais sans dépasser le 13 x 18 cm.